Un temps d'arrêt. Les aiguilles qui ne tournent plus. Les grains de sable suspendus dans le temps au fond de leur sablier. Comme si le temps s'était mis sur pause. Comme si le film de la vie avait pris un moment avant de faire face. Mais toute bonne pause à une fin, toutes petites vacances, si minuscules soient-elles, se définissent par le travail des autres semaines. Sans frénésie, pas de calme. Notre contraire ne nous sert-il pas, d'abord et avant tout, à nous définir? Nous sommes tout ce que nous ne sommes pas. N'est-ce pas là une évidence? Pour certains, cela semble si simple à concevoir. Pour d'autres comme moi, les choses sont moins évidentes.
Tourner une page, c'est inévitablement s'ouvrir sur une nouvelle page. Elle peut être écrite à l'avance ou bien nous obliger de coucher sur la blancheur de son papier la lourdeur de l'encre de notre vie. Choisir nos mots, c'est aussi les assumer. C'est reconnaître que chacun des agencements de ces quelques lettres signifient réellement toute l'émotion qu'elle porte. Dire je t'aime à quelqu'un, il faut le penser, le peser et le ressentir pour que ces quelques lettres prennent le sens réel de ce qu'ils sont. Autrement, ce ne sont que quelques 30 points au Scrabble, tout au plus 50 si vous avez un emplacement chanceux.
Vous rappelez-vous votre premier Je t'aime? Peut-être est-ce le son de la voix de votre mère, celui d'une écolière, celui d'un collègue d'étage au détour d'une petite vite dans la salle de bain? Y avait-il une douceur dans le regard, une compassion dans le murmure de ces mots. Ont-ils laissé une trace dans votre caboche, une alcôve dans laquelle vous pouvez vous réfugier les soirs de tempêtes? J'ose espérer que oui. Pour ma part, peu m'ont fait cet honneur, mais ces mots sont gravés bien au fond de ma mémoire, là où elle connecte avec le coeur. J'y ai même creusé une caverne pour que ces quelques mots résonnent encore plus, que l'écho me rappelle cette présence. Mais je constate durement aujourd'hui, qu'au bout de cette pause que je me suis accordée, ce n'est pas la bonne voix qui résonne en écho, j'entends celle des autres quand au fond, c'est la mienne que j'aimerais entendre me dire Je t'aime!
À quand le fast-forward qui nous propulse vers demain? Si seulement cette télécommande existait afin de nous donner un aperçu de ce qui s'en vient, juste pour que l'on s'y prépare un tant soit peu. Un peu comme lorsque nous sautons quelques pages d'un roman de suspense pour confirmer l'issu de notre théorie ou que nous goûtons pour un 10e fois au crémage de notre gâteau, simplement pour s'assurer qu'elle n'est pas ratée. L'anticipation de voir ce qui se passera demain peut revêtir ses atours d'angoisse aussi et ainsi nous empêcher du chemin qui nous mène à cette nouvelle destination. J'aimerais avoir une boule de cristal pour y voir l'avenir. Mais pas obligatoirement le mien. J'aimerais faire ma fouine et m'assurer que mes parents vont bien et qu'ils ne sont pas déçus, que mon frère fonde une famille qui l'aime et qui l'apaise, que mes amis soient heureux en couple avec des hommes et des femmes de coeur, vrais et sensibles. Que mes petits loups ont les outils pour faire face à la vie et à ses vents qui se lèvent.
Mais des fois, la vie est sur pause et le déni est notre protectrice. Le plus courageux des gestes serait de foncer tête première vers la suite des choses, mais ce n'est pas donné à tout le monde de jouer les héros. En suis-je? Je ne le sais pas, j'espère seulement que le vent me portera ....
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