vendredi 21 octobre 2011

L'appel de la meute. (12 juin 2011)

Ça m'a pris cette semaine.  Au détour du rue glauque de la cité montréalaise, j'ai pris conscience de l'appel de la meute.  Vous savez ce sentiment qui nous envahit et nous fait ressentir cette nécessité de s'allier des gens autour de nous.  De se fondre dans la masse.  Mais pas n'importe laquelle.  Une masse qui nous ressemble, qui ferait en sorte que l'on pourrait se perdre dedans.

Au coin de cette rue glauque, je me suis croisé.  Il était là, coin Ste-Catherine et Amhearst.  Il attendait d'avoir le courage de lever les yeux et d'affronter ce village.  Ce village, symbole de l'inclusion, qui pourtant retourne à chacun de qui l'éloigne tant de l'archétype gai du nouveau millénaire.  Bref, ce Gaston (ça lui allait bien ce patronyme) a osé lever les yeux et a croisé les miens.  Un mélange de "T'es qui toé?" et de "Pourquoi Maman?" m'ont alors bombardé.  Je voyais son angoise d'être et son envie de devenir.  Je me doute même qu'il se projettait dans sa vingtaine afin d'assumer, de se libérer.  Je lui souhaite tant.

Je me suis aussi vu dans les yeux de Roger, soixantaine avancée, assis sur un banc du Parc Émilie-Gamelin.  Il regardait l'échiquier, le dévisageant comme s'il analysait une stratégie qui n'avait pas fonctionné.  Comme s'il revoyait chaque coup qui l'avait mené à la défaite, la sienne.  Ce sont ses "Peut-être aurais-je pu" ou ses "J'aurais dont ben dû!" qui m'ont interpellé.  J'ai alors réalisé que se poser des questions nous rapproche de nous-mêmes mais peut nous éloigner des autres en même.  Tout comme dans le processus d'une observation participante, on en vient à se détacher tellement facilement de l'environnement que l'on habite afin de prendre du recul.  C'est bien, mais pour un temps bien précis.  Sinon, on finit sur notre banc du Parc Émilie-Gamelin, faisant fie des revendeurs de marijuana à focusser sur ce qui aurait pu être.

J'ai aussi croisé Vincent, danseur au Campus qui fumait une cigarette torse dénudé lors de cette journée trop claire et trop humide.  Il faisait le vide ou l'appât.  Chose certaine, il devait espérer que demain serait mieux lui aussi.  Le regard des hommes sur les bancs suant alors leur vie me répugnaient.  J'avais tant envie d'aller le voir et de lui dire que ça irait mieux.  Que sa beauté était ailleurs.  Jusqu'à ce que je réalise que moi aussi, je le regardais.  J'étais aussi un voyeur. J'ai donc repris la marche dans ma propre sueur en espérant que la pluie fasse le ménage.

Je suis donc Gaston, Roger et Vincent.  Les trois à la fois.  Nous le sommes tous un peu dans un coin de notre être.  Ils portent d'autres noms, mais nous sommes tous une addition plus ou moins fidèle des autres.  La meute est en nous autant que nous sommes à la composer.  Nous ne sommes pas seuls, il suffit de regarder pour vrai tous et chacun qui lançons cet appel de la meute à tous les coins de rue.  La jungle urbaine de Montréal m'a donné envie d'y aller tenter ma chamce.  De lancer moi aussi un cri à la meute.

2012, je déménagerai à Montréal.

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